Message de la Conférence des Jésuites d'Afrique et de Madagascar (JCAM)

Egalité maintenant pour combattre les inégalités, mettre fin au SIDA et Promouvoir le bien-être durable pour tous

La voix d’une personne affectée :

Avant de devenir bénéficiaire du Service Yezu Mwiza (le projet de soins de santé de la Compagnie de Jésus basé au Burundi), il était difficile de m’acheter même du paracétamol. Je me sentais stigmatisée parce que je me demandais ce que les autres pensaient de moi et de mon statut de séropositive. Maintenant, ma vie a changé grâce aux différents services de santé reçus du SYM. Le service de la Clinique mobile a raccourci la longue distance que je parcourais pour obtenir des médicaments. Surtout que j’ai maintenant une chèvre que je rêvais depuis et dont les produits m'aident à subvenir à mes besoins de base. Je me sens ressuscité et en sécurité. Je travaille dur pour améliorer, à la fois, mon bien-être et celui d'un de mes enfants qui est également infecté par le VIH. (Odette, SYM, 2022).

La Journée Internationale annuelle de lutte contre le SIDA unit le monde entier dans la solidarité pour soutenir les personnes et les communautés infectées et affectées, apprécier les efforts fournit par tous pour mettre fin au SIDA et se souvenir des personnes décédées des maladies liées au SIDA. Le thème de cette année, « égalité maintenant », invite la communauté mondiale à réfléchir profondément, à écouter attentivement et à agir pour engendrer l'égalité dans le contexte du VIH et du SIDA.

Pour Odette et pour les plus de 25 millions de personnes vivant avec le VIH en Afrique, que pourrait signifier ce terme égaliser ? L'histoire d'Odette révèle le poids de la stigmatisation, la douleur de vivre dans une pauvreté abjecte et les frustrations qu’engendre les services de soins de santé, du dépistage et de prévention du VIH inaccessibles.

D'après le rapport ONUSIDA 2022, nous savons que le SIDA a emporté une vie par minute, en moyenne, en 2021, avec plus de 650 000 décès dus au SIDA, malgré l'existence d'un traitement efficace contre le VIH ainsi que les outils pour prévenir, détecter et traiter les infections opportunistes. Le rapport montre que chaque jour environ 4.000 personnes (dont 1.100 jeunes âgés de 15 à 24 ans) sont infectées par le VIH. En outre, les nouvelles infections se sont produites de manière disproportionnée chez les adolescentes et les jeunes femmes par rapport aux adolescents et aux jeunes adultes en Afrique subsaharienne. Le rapport prévoit que si les tendances actuelles se poursuivent, 1,2 million de personnes seront nouvellement infectées par VIH en 2025, soit trois fois plus que l'objectif de 370.000 nouvelles infections.

L'ONUSIDA observe à juste titre que cette situation se produit dans un contexte d'inégalités observées dans des pays et entre les pays et qui freinent manifestement les progrès de la riposte mondiale contre le VIH/SIDA, aggravant ainsi ces inégalités.

Les jésuites d'Afrique et de Madagascar ont accompagné les personnes affectées et infectées au cours des 20 dernières années sous la conduite du Réseau Jésuite Africain contre le SIDA (AJAN). Nous entendons l'appel à l'action de ’égalité maintenant’. Dans l'esprit d'Ubuntu, nous croyons que si un membre d’une famille est malade ou vulnérable, la santé de tous est compromise. Si l'égalité maintenant implique que personne ne doit être laisser côté, alors Ubuntu nous met au défi d'examiner honnêtement la dynamique des relations sociales là où les effets de ces inégalités se manifestent le plus concrètement. Les multiples espaces d'inégalités nous appellent à la pratique d'une solidarité radicale.

Le Pape François explique que la solidarité n'est pas une notion abstraite ; plutôt,

elle trouve son expression concrète dans le service et un service qui peut prendre diverses formes dans le souci de prendre soin des autres. Et le service signifie en grande partie «prendre soin de la vulnérabilité, des membres vulnérables de nos familles, de notre société, de notre peuple ». En offrant un tel service, les individus apprennent à « mettre de côté leurs propres volontés et désirs, leur poursuite du pouvoir, devant le regard concret de ceux qui sont les plus vulnérables… Le service regarde toujours leur visage, touche leur chair, sent leur proximité et même, dans certains cas, « souffre » de cette proximité et essaie de les aider. Le service n'est jamais idéologique, car on ne sert pas des idées, on sert des gens. » (Fratelli Tutti, n° 115).

Le témoignage d'Odette est un rappel prophétique qu'il est encore possible pour nous tous de remettre la riposte sur les rails, tout en veillant à l'égalité et à la solidarité entre tous les dirigeants lorsqu'il s'agit d'entreprendre des actions nationales et locales audacieuses pour protéger les personnes vulnérables, les populations contre le VIH et le SIDA. Comme l'a déclaré le Pape François dans son Message pour la Journée mondiale des malades (2020), "c'est une question d'injustice sociale que de nombreuses personnes n'aient pas accès à des soins de santé adéquats, en particulier celles qui vivent dans la pauvreté au monde". Il est maintenant temps de prendre des mesures audacieuses pour assurer la disponibilité, l'égalité et la pérennité des services aux personnes vulnérables et marginalisées, et pour éliminer toutes les formes de stigmatisation et discrimination.

Je suis reconnaissant pour l’apostolat exemplaire de compassion, de soins et de justice du Réseau jésuite africain contre le SIDA (AJAN) et de tous les projets sur terrain dans les Provinces et la Région jésuites d'Afrique et Madagascar. Notre service aux communautés affectées par le VIH témoigne de notre conviction qu'il faut les efforts, la volonté et l'ouverture de chacun dans tous les secteurs de la société, dans un esprit de justice, pour assurer l'éradication de la pandémie du SIDA.

Nous continuerons à mettre en évidence, dénoncer les inégalités qui portent atteinte à la dignité et à la qualité de vie des personnes affectées et infectées par le VIH et plaider en faveur des actions nécessaires pour y remédier.

Aussi, renouvelons-nous notre engagement à offrir une intervention plus holistique qui favorise la santé et le bien-être des communautés et accompagner les jeunes à adopter un comportement et des attitudes responsables. Nous le faisons sans laisser personne de côté et en partenariat avec les efforts internationaux dans la lutte commune pour la justice et l'égalité pour les personnes vivant avec le VIH et pour atteindre l'objectif d'un monde sans VIH.

Permettez-moi de terminer par ces paroles inspirantes du Supérieur Général de la Compagnie de Jésus (Jésuites), le Père Arturo Sosa :

Le chemin que nous cherchons à suivre avec les pauvres est celui qui promeut la justice sociale et le changement des structures économiques, politiques et sociales qui génèrent l'injustice ; ce chemin est une dimension nécessaire de la réconciliation des individus, des peuples et de leurs cultures entre eux, avec la nature et avec Dieu. (19 février 2019).

Que Dieu, par l'intercession de la Bienheureuse Anuarite Nengapeta, modèle de la jeunesse dont nous célébrons la mémoire aujourd'hui, accorde le succès à l'oeuvre de nos mains pour changer les structures économiques, politiques et sociales afin d'engendrer l'égalité, la solidarité et la justice pour tous, enfants, femmes et hommes affectés et infectés par le VIH.

Vôtre dans la mission du Christ,

Agbonkhianmeghe E. Orobator, SJ

President